8 janvier 2018
je travaillais ce matin comme à mon habitude : d’arrache-pied, quand mon cher et tendre frappa à la porte et déboula, échevelé, pour m’apporter un avis de passage du facteur. Surprise, je l’interrogeais du regard, et il confirma mes craintes. Le facteur n’avait point sonné et avait préféré mettre à profit ce temps là à griffonner, avec une main que j’imagine volontiers rageuse, ce petit bout de papier jaune. Nous devisâmes comme la tradition l’exige sur la libéralisation des services qui ne faisait qu’entériner leur mort. La journée qui commençait pourtant bien en fut assombrie d’un coup et l’incident chamboula mon programme. Je ne pouvais pas me permettre d’aller à la poste deux jours de suite, aussi je repoussais l’envoi de mes travaux au lendemain. Ainsi je me couche, ce soir, dans l’exaspération mêlée de cette légère angoisse étrangement euphorique sur le contenu du paquet qui m’attendait.
9 janvier 2018
Le guichetier de la poste jeta un œil circonspect à l’avis de passage, alors que je lui disais ma surprise de n’avoir pas entendu la sonnette. Il élabora une fantaisiste explication qui me fit froid dans le dos sans que je pus en expliquer la raison : ce facteur devait être nouveau sur le secteur.
Et le guichetier s’en fut à l’arrière de la boutique que je me figurais emplie d’un fatras de colis amassés là pour cause de nouveaux sur le secteur qui ne sonnaient plus, comme si le monde d’un coup avait perdu toute logique. Il revint et me tendit un bloc, que j’identifiais au premier coup d’œil, et je ne pus réprimer une grimace qui amusa mon interlocuteur, je surpris un sourire en coin sur sa face débonnaire. je ne trouvais point ça drôle.
Ce soir, je me couche dans un état de soulagement mêlé d’inquiétude, le colis qui m’attendait était un catalogue, d’un fournisseur auprès duquel j’avais requis expressément qu’il ne m’adressât plus cette volumineuse et inutile correspondance.
J’avais aussi jeté le lourd pavé à la première poubelle croisée sur le chemin du retour, me débarrassant d’un seul coup d’un poids physique et moral. Me voilà donc soulagée, mais je me sens étrangement préoccupée.
10 janvier
Je me retrouvais face à un homme, d’un âge indéfinissable, qui me dévisagea ce qui me sembla une éternité avant de parler. Il le fit enfin, hésitant et gauche, et demanda si une personne portant mon nom habitait bien ici. Je répondis par l’affirmative, angoissée. Il me demanda alors de façon sibylline si je n’avais pas perdu quelque chose à la victoire. Je ne me souvenais pas d’une bataille menée dernièrement, je fus un peu prise au dépourvu. Me voyant chercher sans trouver de réponse, il précisa sa question par des mots que je n’ose pas retranscrire. Le monde alors bascula, le sol se déroba sous mes pieds, un vertige terrifiant me prit alors qu’il fouillait son sac, je voulus lui signifier de ne pas sortir ce qu’il cherchait, j’aurais voulu hurler , refermer cette porte, remonter à l’atelier en courant, mais j’étais tétanisée, clouée sur ce pas de porte, condamnée à tendre la main vers ce qu’il me priait de recevoir, cet objet hideux, cet objet impossible, cet objet maudit. Je me retrouvais, épouvantée, à remercier cet homme, le catalogue honni entre mes mains tremblantes.
J’ai subit le même aléa postal, couru empli de joie par anticipation au bureau des Salinières pour me faire délivrer le même pavé démoniaque. Par défi, je l’ai rapporté chez moi. Il trône sur la table à manger, impuissant, réduit à sa pauvre condition de tas de papier, d’encre et de colle.
Je passe parfois devant, le regardant d’un air condescendant. S’il savait!
prends garde, plutôt que le jeter il faut le réduire en confettis qu’il faut brûler un soir de lune rousse
Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn.
J’ai pas compris c’est quoi le paquet